Le « Fonds d’urgence pour les infirmier(ère)s»: Les propositions de l’Union Générale des Infirmiers de Belgique
Publié le: 7 novembre 2019 par AUVB – UGIB – AKVB
Le jeudi 31 octobre 2019, la Chambre a approuvé un fonds d’urgence de 67 millions d’euros pour 2019 et de 400 millions d’euros pour 2020 afin de soutenir les infirmiers. L’Union générale des infirmiers de Belgique (AUVB-UGIB-AKVB) se réjouit de cette décision et souhaite que ce budget soit intégralement alloué aux infirmiers et contribue de manière structurelle et durable à accroître l’attractivité de la profession infirmière.
Nous souhaiterions attirer votre attention sur les points suivants :
Premièrement, nous voudrions insister sur le caractère urgent de ce fonds pour les infirmiers.
Les besoins dans le secteur des soins infirmiers sont immenses et se font de plus en plus pressants. Ce fonds d’urgence ne pourra donc servir qu’à apporter des solutions aux problèmes prioritaires. Il est dès lors impératif que l’intégralité de ce budget soit utilisé afin d’améliorer le secteur des soins infirmiers et non à d’autres fins. Outre les besoins au sein des hôpitaux, nous devons aussi prêter attention aux besoins en matière de soins aux personnes âgées et de soins à domicile. Les professionnels de ces secteurs sont également à bout de souffle.
L’utilisation de ce budget ne pourra pas non plus être discutée sans consultation préalable des organisations professionnelles. La consultation du secteur et des experts à cet égard est d’une importance fondamentale et ne devrait pas seulement faire l’objet d’une simple concertation entre les syndicats et le patronat. La „débâcle de l’IFIC“ ne peut se reproduire. Nous plaidons donc pour la formation d’un groupe de travail qui décidera de la manière dont ces ressources seront attribuées dans le secteur des soins infirmiers, aussi bien sur le court que sur le long terme.
Une gestion durable du personnel infirmier est cruciale pour l’attractivité de la profession. Les étudiants doivent être encouragés à choisir une carrière d’infirmier. Les infirmiers doivent se sentir valorisés et respectés dans leur métier et être motivés à rester dans leur profession. L’insatisfaction actuelle des infirmiers n’est pas principalement liée à leur salaire, mais avant tout au respect et à l’appréciation qu’ils reçoivent sur le terrain. Aux yeux des élèves de l’enseignement secondaire et des étudiants infirmiers eux-mêmes, le travail de l’infirmier est trop souvent perçu comme offrant peu d’autonomie ainsi qu’un statut peu respecté. La perception sociale que l’on a des infirmiers ne favorise pas l’intérêt pour les études d’infirmiers et n’inspire pas les infirmiers (étudiants et praticiens) à se sentir fiers de leur statut. Afin de remédier à ces problèmes, un renforcement du statut et de l’attractivité de la profession infirmière doit absolument être mis en place.
A. Des Normes assurant la qualité des soins dans tous les secteurs et domaines des soins infirmiers
Un aspect important ici est la réduction de la charge de travail par l’augmentation du nombre d’infirmiers au chevet du patient. Le nombre d’infirmiers requis ainsi que les exigences dans les différents secteurs ne cessent d’augmenter. Selon une enquête récente, un infirmier en Belgique prend en charge plus de 11 patients par shift. La moyenne européenne est de 8 patients par infirmier.
Ce manque de personnel a de graves conséquences aussi bien pour la profession infirmière que pour les patients.
Les recherches ont démontré que cela se traduit par exemple par un risque de burnout plus élevé, par le fait que les soins essentiels ne sont parfois pas délivrés et par une augmentation du risque de mortalité chez les patients. Une application du ratio européen moyen de 8 patients par infirmier améliorerait structurellement l’attractivité de la profession infirmière et augmenterait la qualité des soins, la sécurité des patients ainsi que la satisfaction au travail des infirmiers.
Sortir les infirmiers en chef des normes d’encadrement et les financer en plus des normes pourrait être un premier pas pour améliorer cette situation.
De meilleures conditions de travail augmenteront le nombre d’infirmiers sur le marché du travail ainsi que le nombre d’infirmiers en fonction.
B. Le financement d’une différenciation équitable des différentes fonctions infirmières et ce également par rapport aux autres professions du secteur des soins de santé
L’UGIB souhaite qu’une partie de ce budget soit affectée à l’élaboration d’une classification équitable des professions infirmières. Le modèle actuel de l’IFIC crée des inégalités entre les différentes fonctions infirmières. Les infirmiers responsables en soins généraux diplômés avec au moins 4 ans d’études doivent être rémunérés de manière adéquate. Il n’est pas possible que dans certains départements, les infirmiers diplômés avec trois ans de formation soient mieux rémunérés que les infirmiers diplômés qui ont suivi une maîtrise ou une spécialisation avec quatre années d’études… Le budget permettrait de développer un nouveau modèle de classification et de rendre la profession plus attrayante. Ce système devrait assurer l’application des points suivants:
- Le visa d’infirmier responsable en soins généraux ne peut être délivré qu’aux diplômés possédant au moins un niveau de bachelier
- La classification des emplois doit tenir compte des titres professionnels particuliers et des compétences professionnelles. Ceux-ci sont actuellement „oubliés“ dans le système de l’IFIC.
- Le développement d’un plan de carrière et des échelles cliniques (fonctions), tel que proposé par le Conseil fédéral de l’art infirmier.
Des recherches ont démontré que de telles mesures augmentaient la qualité des soins infirmiers. De plus, sa mise en œuvre encouragera la complémentarité, la coopération ainsi qu’une meilleure intégration des profils infirmiers avec les autres professions du secteur des soins de santé.
C. Des ressources pour une formation adéquate et de qualité, y compris la formation continue, avec des objectifs spécifiques à court et moyen terme.
Des soins de santé de qualité vont de pair avec une formation adéquate et continue. Outre une formation claire menant au titre d’infirmier responsable des Soins Généraux, les employeurs devraient être en mesure de financer des formations continues et d’assurer les remplacements nécessaires sur le terrain. Des outils modernes tels que l’apprentissage en ligne ou la simulation devraient également être implémentés de manière obligatoire.
Renforcer la supervision (de stage) des nouveaux employés et / ou étudiants est également important. Cela s’applique également aux normes INAMI des étudiants en sciences infirmières qui effectuent un stage en soins à domicile.
D. Une représentation effective et équilibrée de la profession infirmière dans les instances qui la concernent.
Bien que les infirmiers constituent le groupe le plus large en matière de soins de santé, ceux-ci sont parfois délibérément tenus à l’écart des décisions qui les concernent et qui affectent leur travail. Les infirmiers devraient être entendus et écoutés. Notre expérience nous a appris que la représentation de la profession infirmière doit toujours plus être mise en avant et renforcée par l’allocation de ressources supplémentaires. L’AUVB-UGIB-AKVB plaide donc pour une représentation équilibrée et suffisante dans tous les conseils et comités organisés par les différentes associations et des ressources supplémentaires pour:
- Des mandats pour les représentants de la profession infirmière. La majorité de ces mandats sont volontaires. Un meilleur financement pourrait être fourni aux organisations professionnelles d’infirmiers et aux structures soutenant la profession d’infirmier;
- Une meilleure structure / coordination des activités infirmières (internes et ambulatoires);
- La mise en place d’un département infirmier à part entière dans les différentes structures de soins (réseaux hospitaliers, centres d’hébergement, etc.)
- Des fonctions de coordination (programmes de soins, hospitalisation à domicile, etc.);
- …
E. Les autres points d’attention sont:
- Le soutien d’un plan de fin de carrière
- Le financement cohérent et structuré de la recherche infirmière
- Le soutien de la mise en œuvre de l’Evidence Based Practice, la recherche, la formation,
- L’éducation des patients et la coordination des activités de promotion de la santé par les infirmiers.
- Des mesures efficaces, des ressources (temps, matériel, salaire, valorisation) pour une pratique de qualité et pour améliorer la qualité de vie au travail
Il existe en effet un sentiment que la liste des besoins en matière de soins infirmiers est sans fin, mais comme dit le vieil adage : « mieux vaut prévenir que guérir… » Nous demandons donc aux gouvernements de s’engager à la mise en place de ces priorités de manière durable et structurelle, le tout avec une implémentation effective dans la pratique clinique et sans ambiguïté dans les différents milieux des soins de santé.